
Vous avez souvent la sensation de ne pas être à la hauteur, que nos lacunes vont finir par éclater au grand jour et vous vivez dans l’angoisse que l’on découvre que finalement vous n’êtes pas « si brillant (e) que ça » , bref que vous avez berné tout le monde pendant tous ces mois, voire ces années ?
Dans un article précédent "les garçons osent, les filles sont douces" au sujet des bénéfices de la diversité et de la place que les femmes devraient s’accorder (ou pas) au sein des couches décisionnelles, j’évoquais notamment le complexe de l’imposteur dont elles sont souvent victimes et du manque de confiance en elles qui en résulte.
Vous avez été nombreux à réagir par rapport à ce sujet et vous avez très justement souligné que ce phénomène ne se limite pas à la sphère féminine et n’est pas directement lié à une question de génération ou de culture.
De quoi s’agit il ?
C’est évident pour vous : votre réussite est davantage liée à des composantes extérieures comme la chance ou un contexte favorable qu’à vos capacités réelles !
Non, ce n’est pas un mauvais rêve ou une fantaisie : des professionnels de haut niveau vivent cette situation connue sous l’expression « le syndrome de l’imposteur ». Ce « mal » est d’ailleurs plus répandu qu’on ne la pense et ne touche pas que les cadres, les femmes, etc…
Toute personne qui réussit et qui reçoit la reconnaissance de ses pairs pour cette réussite peut tomber dans le "syndrome de l’imposteur" : cette impossibilité à se sentir fier de ce que l’on a, maître de ce que l’on de ce que l’on a construit.
La chance, le contexte, le réseau, les appuis, etc…deviennent des arguments pour expliquer la réussite. S’en suit alors l’angoisse que l’on découvre qu'ils ne sont pas à la hauteur, que les capacités qu’on leur prête sont fallacieuses.
Bref, ils ont l’impression de tromper leur monde.
Comment vivre avec le fait que l’on n’a finalement pas mérité ce que l’on a ?
Comment allez vous assumer lorsque votre entourage vous aura démasqué?
Décrytage :
Si tout individu peut être touché par ce que l’on qualifie aujourd’hui du "syndrome de l’imposteur", certains ont plus de chance d’en être touchés. Plusieurs variables entrent en jeu dans la construction de cette vision du monde et de soi qui nous pousse à ne nous sentir illégitime, voire indignes de nos réussites.
- le manque d’estime de soi pointé du doigt,
Ceux qui observent le monde en se comparant sans cesse aux autres ou à ceux qu’ils admirent, à des idéaux. Les parents peu enclins à la valorisation de leurs enfants ou qui pointent du doigt les insuffisances plutôt que les succès façonnent une identité en insécurité profonde et durable.
- les perfectionnistes vulnérables sont les plus touchés,
Ils ont en eux le goût du travail bien fait, mais sont vulnérables face au jugement et à l’échec. Peu sûrs d’eux, ils se sentent facilement remis en question. Ils travaillent dur mais n’ont pas conscience du degré de reconnaissance que leur doit leur entreprise. Ils font de leur mieux, parfois bien plus que ce que l’on attend d’eux, sans réaliser leur mérite.
- les individus en position de minorité,
Par exemple une femme siégeant au sein d’un entourage masculin, un individu de formation autodidacte entouré de jeunes diplômés, une personne issue d’un milieu défavorisé qui arrive au sommet, alors que rien ne l’y prédestinait.
- Ceux qui n’ont pas eu le temps de sentir leur carrière démarrer,
qui n’ont connu aucune difficulté mais se retrouvent au sommet. Leur carrière s’est développée trop vite pour que l’estime de soi suive et ils vivent dans un contant sentiment d’insécurité face à ce qu’on leur renvoie d’eux-mêmes. On leur parle de réussite, et c’est la peur de l’échec qui les envahit.
En souffrez-vous ?
Le syndrome de l’imposteur est très difficile à détecter car souvent bien dissimulé par celui qui en souffre, qui est en état de contrôle permanent.
Quelques signes peuvent néanmoins vous indiquer que vous en souffrez, vous ou l’un de vos proches :
- constant dénigrement de soi ou de ses réussites
on l'entend souvent prononcer "n’importe qui l’aurait fait à ma place…" "ce n'est pas grand chose".
L’individu attribue toujours ses réussites à de la chance ou à de la facilité.
- Il ou elle travaille beaucoup et ne semble pas attendre une reconnaissance visible par les autres mais vit dans l’angoisse de ne pas être à la hauteur ou de ne pas réaliser son travail de manière productive,
Il ou elle atteint toujours ses objectifs, mais vit dans la peur de ne pas toujours « y arriver ».
L’individu s’inquiète à la fois d’une promotion et de sa possibilité à y arriver, il ne reconnaît pas la possibilité à sa hiérarchie d’avoir vu en lui la réussite. Il se sent incompétent. Il use constamment de la stratégie de l’esquive en évitant soigneusement les moments ou il est en position d’expliquer ou de valoriser son travail : meetings, workshop, réunions. Il trouve un moyen de ne pas être présent. En position de dirigeant ou de cadre, il diffère toutes ses décisions ou prises de décision, pour les prendre souvent dans des moments ou il ne sera pas observé.
Les conséquences possibles
Cette vision de soi pousse l’individu à des comportements d’auto-destruction, ou de sabotage de carrière. Les cas les plus aigus provoquent crises d’angoisse, voire burn-out ou dépressions dans les cas les plus graves.
Par exemple, celui qui en souffre peut constamment refuser des promotions en se convaincant lui-même qu’il ne cherche pas l’évolution. Pourtant, le mécanisme à l’œuvre dans cette décision est, bel est bien, son impression de ne pas être compétent.
D’autres travaillent beaucoup plus que leurs collègues, adeptes des heures en plus et du travail fini à des horaires incongrus, sans pour autant demander une quelconque reconnaissance de leur travail.
Intérieurement, ils travaillent dur pour compenser l’incompétence qu’ils pensent avoir.
Autre stratégie mise en place : vivant avec la constante impression qu’ils vont échouer de par leur incompétence, ils sont volontairement dilettantes au travail pour rendre moins douloureux le possible échec qu’ils pensent sentir venir. L’échec viendra alors du manque d’investissement et non de leur incompétence avéré.
Certains démissionnent à chaque fois qu’ils doivent faire face à de nouvelles responsabilités. Plus grave encore, la mise en échec de leur propre réussite. Cette forme d’autodestruction pousse l’individu, qui ne se sent pas à la hauteur, à se mettre en position de sabotage professionnel : fautes d’inattention, de procédure, liée au relationnel… ils multiplient les actes visant à réellement les discréditer au yeux de l’entourage professionnel.
Peu ont conscience du problème puisque persuadés qu’il sont réellement incompétents ou peu à la hauteur.
Comment en sortir ?
Vous vous reconnaissez dans ce modèle ? Faites un travail sur vous-même.
Chaque jour, notez trois faits pour lesquels vous avez ressenti une forme de réussite sur vous-même ou pour votre travail.
Ne vous fiez pas à votre ressenti, il est traitre. Il n’est pas le reflet de la réalité mais d’une vision décalé et en souffrance.
Dans chaque situation où vous analysez que c’est la chance qui a produit le succès ou tout autre élément extérieur à vous, cherchez trois autres éléments totalement liés à votre personne ou à vos capacités qui en ont permis la réussite.
Obligez-vous à observer le monde professionnel tel qu’il est : vous avez été embauché sur vos compétences, vos acquis, vous avez décroché votre diplôme grâce à votre travail, vos collaborateurs ou votre hiérarchie travaillent avec vous parce que vous êtes compétent.
Sentez-vous maître de ce que vous avez accompli.
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